Rencontre avec… Olivier Scher, responsable du programme d’observation des oiseaux marins pour le CEN* d’Occitanie

Parmi ses missions, Olivier assure un accompagnement scientifique de divers projets, dont les futures éoliennes flottantes en Occitanie. Afin d’étudier l’évolution de l’avifaune avant et après l’installation des éoliennes, le CEN participe à la définition des protocoles et méthodes de suivi.

Quelles espèces étudiez-vous ?

Nous travaillons sur la sterne caugek, une espèce proche des mouettes. Nous recensons plusieurs colonies sur le Lido de Thau (aux environs de Sète) qui accueillent 80 à 100% des effectifs nicheurs en Méditerranée française, selon les années. Pour vous donner une idée, cela représente entre 3 000 et 3 500 couples. Le comportement colonial de la sterne caugek et sa présence sur des îlots spécifiques, représentent une opportunité unique d’étude… Si nous connaissons assez bien ce qui se passe à terre, au sein des colonies, de nombreuses interrogations persistent sur leur activité en mer (alimentation et déplacements).

Des sacs à dos de plus en plus petits

Entre 2021 et 2023, nous avons équipé 28 oiseaux avec des balises fixées sur leur dos, à l’aide d’un baudrier en téflon. Nous bénéficions des avancées technologiques continues pour recueillir des données de plus en plus précises. Les balises se miniaturisent et ne pèsent plus que 5 à 6 grammes. Il faut savoir que les plus petites sternes caugek pèsent 200 grammes ! Ce sont des dispositifs qui se détachent au bout de quelques mois.

En 2021, elles ont tenu au plus tard jusqu’à début août, suffisant pour suivre la période de reproduction (mai à fin juillet). Du fait des conditions environnementales (sel, variations de température, comportement de pêche), les balises sont soumises à rude épreuve.  Si certaines lâchent assez vite, certaines tiennent plus longtemps et au moment où je vous parle, nous recevons encore des données d’une des sternes équipées en 2022 ; la balise émet depuis plus d’un an et a permis de recueillir des informations inédites !

Découvrir leurs habitudes en Méditerranée

Comment se déplacent ces espèces ? Où vont-elles nicher ? L’utilisation de l’espace par ces oiseaux n’était pas clairement établie. Nous avons constaté des habitudes de migration intéressantes, ainsi que des trajets importants (> 80 km) pour la recherche alimentaire. Les informations recueillies permettront d’identifier les zones d’alimentation vitales pour la survie des espèces. D’ailleurs, nous produirons des recommandations que nous souhaitons voir intégrer aux projets de développement de l’éolien flottant. Par ailleurs, ces données de suivi alimentent également le programme Migralion**.

Quelle va être la suite ?

Nous recommencerons l’opération en 2024 et en 2025 avec deux lots de 20 oiseaux (10 oiseaux équipés par projet et par an), pour observer ce qui se passe une fois que les éoliennes auront été installées. Toutes ces études sont encadrées par la DREAL, et partagées avec la communauté. Nous avons des échanges réguliers avec les porteurs de projets des fermes pilotes d’éoliennes flottantes : nous participons aux comités de suivi et de pilotage, à la mise en œuvre de certaines mesures compensatoires sur la biodiversité. Un exemple, dans le cadre des arrêtés de dérogation espèces protégées, des îlots de nidification sont installés ou réhabilités par les opérateurs des deux fermes pilotes d’éoliennes flottantes pour renforcer la capacité de reproduction.

Les prochains défis

La quantité de données produite est énorme. La modélisation de l’activité des sternes doit tenir compte de nombreux facteurs, tels que les variations de température de la mer et la disponibilité de la ressource alimentaire et la présence des éoliennes à partir de 2024. Des analyses complètes seront disponibles en 2026. La recherche et le développement continus nous permettent d’explorer de nouvelles solutions pour réduire les impacts sur les oiseaux marins. Pour répondre à ces défis, la collaboration entre chercheurs, industriels et acteurs de la conservation sera essentielle pour parvenir à des mesures efficaces et durables.

Pour terminer notre entretien… avez-vous une tendresse particulière pour une espèce d’oiseaux marins en particulier ?

C’est difficile de choisir une espèce… tout le groupe qu’on appelle les laro-limicoles*** est passionnant. Ils sont ensemble sur des îlots à quatre, cinq, six espèces sans exploiter des niches écologiques proches. Suivre la manière dont ces oiseaux choisissent les sites et tout ce qui se passe sur une colonie, c’est génial. On y passe des heures, il se passe toujours plein de choses.

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* Le @Conservatoire d’espaces naturels d’Occitanie (CEN), agréé par l’État et la Région, œuvre à la connaissance et la conservation de la nature et à la transition écologique des territoires avec l’ensemble de ses partenaires.  Il s’agit, notamment, d’actions de connaissance, de maîtrise foncière et d’usage, de gestion et de valorisation scientifique auprès de tous les publics. Le CEN Occitanie, c’est 130 salariés à l’échelle de tous les départements.  

** Le projet MIGRALION, mené par l’Office Français de la Biodiversité, vise à caractériser, à l’échelle du golfe du Lion, les flux migratoires et les fonctionnalités des zones en mer pour la faune volante, que ce soit pour des espèces résidentes ou de passage.

*** Ce terme générique regroupe des espèces d’oiseaux protégés. Au total, neuf espèces :  Sterne caugek, sterne pierregarin, sterne hansel et sterne naine, mouette rieuse et mouette mélanocéphale, goéland railleur et goéland d’audouin, Avocette élégante.

Photo : ©CEN Occitanie

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